Le grand jour

Une petite lumière apparaît sur le plancher de la ruche. Un timide rayon de soleil vient caresser la planche d'envol, le bruissement des abeilles qui m'entourent s'amplifient,  la ruche se réveille. 

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C'est le grand jour! Je suis née depuis environ 3 semaines et dès ma naissance, j'ai effectué de nombreuses tâches.

Aujourd'hui je suis prête

 mon nouveau job : butineuse


Nous sommes à la fin janvier et par une belle journée ensoleillée les éclaireuses viennent de nous annoncer la nouvelle : les chatons des noisetiers les plus précoces  libèrent leur pollen.

Ce sera ma première mission.

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 Au sortir de l'hiver les réserves sont au plus bas.

Malgré les attentions de l'apiculteur qui a su nous apporter au cours de l'hiver la nourriture qui pouvait nous manquer, le besoin en pollen devient criant. Il est indispensable pour la préparation des menus qui seront servis aux larves. La reine après le solstice d'hiver a recommencé sa ponte et son activité va croitre jusqu'à pondre en pleine saison 2000 œufs par jour.

Je ne pars pas vraiment à l'aveuglette car certaines de mes les aînées m'ont indiqué par une danse très codifiée la direction à prendre par rapport au Soleil, la distance à parcourir et l'endroit précis où se trouve cette source de pollen.

Me voilà partie !


Au cours du vol mon corps va se charger d'électricité statique ce qui va favoriser lorsque je me poserai sur la fleur, le transfert des grains de pollen sur les poils de mon corps. Il ne me restera plus qu'à les rassembler et les stocker dans les sacs prévus à cet effet sur mes pattes postérieures.


Les fleurs que je vais visiter seront nombreuses mais dans un rayon qui n'excédera pas 3 km.  Au-delà de cette distance, les calories dont j'ai besoin pour me déplacer m'obligeraient à puiser dans les marchandises que je transporte.

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À mon retour à la ruche je suis prise en charge. Les pelotes de pollen sont déchargées, transformées et stockées dans des cellules.

Je restitue le nectar dans la bouche de mes collègues et l'effet des enzymes contenus dans la salive va peu à peu le transformer en miel. Il sera stocké de la même façon dans les cellules.

Ces voyages entre les lieux de collecte du pollen et du nectar et la ruche vont durer jusqu'à la fin de la journée.


Mais, Butineuse n'est pas ma seule fonction, je peux aussi être amenée à défendre la ruche et pour cela je dispose d'une arme. Un dard relié à une poche de venin situé au bout de mon abdomen. Si je dois piquer pour me défendre ou défendre la ruche, je perdrai vraisemblablement la vie. Le dard pourvu d'ardillons restera dans la peau de mon agresseur et se détachera de mon abdomen, entraînant à très court terme ma mort. 

(Ce dard, planté dans la peau de l'agresseur continuera pendant quelques secondes à diffuser le venin grâce à des contractions spasmodiques de la poche à venin)


Les jours se suivent.

Le travail est éreintant.

10 jours, c'est le temps qui me reste à vivre.

Mon dernier voyage approche. Cette fois-là, mon état d'épuisement ne me permettra pas de rentrer à la ruche.
je tomberai sur le sol et continuerai mon chemin en marchant jusqu'à ce qu'un prédateur me dévore ou que le froid et la solitude de la nuit mettent fin à ma vie.
Me voilà au paradis des abeilles, mais la vie continue. Mes sœurs et demi-sœurs ont pris le relais. Des générations d'abeilles vont se succéder pour la prospérité de la colonie

Les miellées

 Le printemps s'installe, et avec lui une multitude de fleurs offre du nectar pour attirer les butineuses. Ces avettes (autre nom de l'abeille) apporteront en échange une aide précieuse pour convoyer le pollen vers d'autres fleurs de la même espèce et favoriser ainsi leur fécondation.
Les grandes miellées vont se succéder, leur importance permettra de donner leur nom aux différents miels (colza, érable, acacia, sarrasin, tilleul, châtaignier, lavande etc.)
En parallèle de ces grandes miellées de très nombreux arbres, arbustes et fleurs méllifères offrent leur nectar et leur pollen.


L'apiculteur profitera de cet apport massif de pollen pour en récolter une partie sans toutefois pénaliser la santé de la colonie dont le dynamisme sera nécessaire à l'élaboration du miel. Il disposera pour cela d'un piège à pollen.

Ce dispositif se place à l'entrée de la ruche. Il est composé d'un sol grillagé et d'une barrière percée de petits trous permettant à l'abeille de la franchir avec difficulté. Un récipient situé en dessous de cette barrière recevra les grains de pollen que l'abeille aura perdu en franchissant cet obstacle.

La consommation du pollen apporte de nombreux bienfaits


Mais le miel, le pollen et la gelée royale ne sont pas les seuls produits de la ruche. La propolis présente aussi un grand intérêt. Elle est fabriquée par l'abeille à partir du goudron végétal généré par les bourgeons des arbres et des fleurs.
Elle a une couleur marron et est utilisée par l'abeille pour :
                Colmater les interstices de la ruche,
                Fixer les éléments,
                Envelopper de petits animaux morts accidentellement dans la ruche afin d'éviter toute prolifération de bactéries dues à leur décomposition.

Son fort pouvoir antiseptique est connu depuis des millénaires. Les Égyptiens l'utilisaient lors de l'embaumement des corps, et de nombreuses armées antiques l'employaient avec le miel pour accélérer la cicatrisation des plaies.
Elle est utilisée aujourd'hui en pharmacie et en parapharmacie dans de nombreux produits


L'essaimage 

Nous sommes au mois d'avril. La population de la ruche s'est considérablement développée. Des mâles jusque-là absents sont nés et sortent de la ruche.
La place commence à manquer, la fièvre de l'essaimage gagne les esprits. Une autre raison pour déclencher ce processus peut venir de la reine dont la capacité à pondre à régressée et les phéromones qu'elle diffuse ont perdu de leur intensité.
Quelle que soit la cause, un seul objectif : perpétuer l'espèce.

 Les nourrices (jeunes abeilles ouvrières) choisissent plusieurs œufs récemment pondus (généralement 4 ou 5, parfois plus) pour en faire des reines potentielles.

À partir du 4ᵉ jour, ces œufs éclosent et deviennent des larves. Celles-ci sont alors nourries exclusivement avec de la gelée royale, une substance très riche produite par les nourrices. Ce régime particulier favorise le développement des organes reproducteurs, ce qui distingue la future reine des autres abeilles.

La cellule royale, dans laquelle se développe la larve de reine, est progressivement agrandie pour s'adapter à sa croissance. Elle prend finalement une forme allongée semblable à une cacahuète.

 

La larve est nourrie pendant 5 jours. Ensuite, la cellule est operculée (fermée par un bouchon de cire), et commence alors la métamorphose complète de la larve en reine. Cette transformation dure environ 7 jours.

 

Le grand départ

 

L’excitation est à son comble : une nouvelle reine s’apprête à naître, dans quelques jours, peut-être même dans quelques heures.
Pour éviter une confrontation mortelle, la reine en place n’a d’autre choix que de partir.
Elle ne partira pas seule : une grande partie de la colonie l’accompagnera.

Peu à peu, tout ce petit monde quitte la ruche.
Les abeilles se regroupent sur les parois, frémissantes d’agitation…
Puis, soudain, c’est le grand départ !

Un nuage bourdonnant s’élève, à faible hauteur.
Il tournoie un moment dans les airs,
avant de se poser, parfois à quelques dizaines, parfois à quelques centaines de mètres de la ruche.

 

  Après l’envol de la colonie, l’excitation des abeilles retombe, et peu à peu, l’essaim se forme. Il prend souvent la forme d’un ballon de rugby, accroché à une branche ou un support. Un essaim moyen pèse environ 1 kg, soit près de 10 000 abeilles, mais des essaims de plusieurs kilos ne sont pas rares.

Où se posent les essaims ?

Les abeilles choisissent souvent des arbres ou arbustes, mais elles peuvent aussi s’installer dans des endroits plus improbables, comme :

  • Sous les gouttières
  • Sur les voitures (rétroviseurs, moteurs…)
  • Sur les balcons, clôtures, ou encore dans des cabanes de jardin

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Ce premier emplacement n’est généralement que temporaire. Pendant ce temps, des abeilles éclaireuses poursuivent leur prospection à la recherche d’un abri plus adapté.

Mais certains lieux, comme une cheminée de maison, peuvent sembler attractifs au printemps (par exemple, en avril), alors qu’ils deviendront dangereux ou mortels avec le retour du froid.

Pourquoi faut-il contacter un apiculteur ?

Il est essentiel de prévenir un apiculteur dès qu’un essaim est repéré. Ce dernier :

  • Récupère l’essaim en toute sécurité
  • L’installe dans une ruchette adaptée
  • Lui apporte les soins nécessaires pour assurer sa survie

Cela permet à la fois de préserver les abeilles, essentielles à la pollinisation, et d’éviter les nuisances ou accidents potentiels pour les humains.

 

 L’essaimage : un voyage plein de dangers

L’essaimage, bien qu’essentiel au renouvellement des colonies d’abeilles, est une étape très risquée.

Une reine affaiblie

La reine qui quitte la ruche avec l’essaim est souvent âgée. Ses capacités de ponte sont diminuées, ce qui peut compromettre le développement rapide de la nouvelle colonie.

Une colonie à reconstruire

L’essaim n’emporte aucun rayon de cire : tout est à reconstruire. Les abeilles cirières devront produire la cire pour créer de nouveaux rayons, où seront stockés le miel et le pollen, et où la reine pourra pondre.

Il faudra aussi :

  • Constituer des réserves suffisantes pour affronter l’hiver
  • Organiser la colonie (butineuses, nourrices, gardiennes, etc.)

Un timing critique

Plus l’essaimage a lieu tard dans la saison, plus les chances de survie diminuent :

  • Les miellées (périodes de floraison riche en nectar) deviennent rares après le printemps
  • À partir de juillet, les frelons asiatiques deviennent de redoutables prédateurs, capturant les abeilles à l’entrée des ruches ou en plein vol

Conclusion

L’essaimage est un processus naturel, mais il représente un défi immense pour les abeilles. Leur survie dépend :

  • De la vigueur de la reine
  • Du moment de l’essaimage
  • Des ressources disponibles
  • Et de l’absence ou la présence de prédateurs

C’est pourquoi l’aide d’un apiculteur, capable de récupérer l’essaim et de lui offrir de bonnes conditions de redémarrage, est souvent déterminante.

 

 

 

Pendant ce temps, dans la ruche…

Alors que l’essaim a quitté la ruche quelques heures plus tôt, une nouvelle reine voit le jour.

Elle commence par grignoter l’opercule de sa cellule royale avec ses mandibules, puis elle pointe doucement le bout de sa tête, prête à prendre possession de son royaume.

Mais elle n’est pas la seule reine en devenir.

Son premier réflexe ?
Éliminer ses rivales, encore enfermées dans leurs cellules.
Car dans une ruche, il ne peut y avoir qu’une seule reine. Elle cherche, localise les cellules royales restantes… et les détruit avant leur naissance.

Une reine dans une ruche bien établie

Contrairement à l’ancienne reine partie avec l’essaim, la jeune reine restée dans la ruche est avantagée :

  • Elle hérite d’une ruche bien organisée
  • Les rayons sont déjà construits
  • Il y a un stock important de nourriture
  • Des ouvrières prêtes à la nourrir, la protéger et l’aider à régner

Il ne lui reste plus qu’à :

  1. Achever l’élimination des autres reines potentielles
  2. S’envoler pour son vol nuptial, quelques jours plus tard, afin de s’accoupler avec plusieurs mâles
  3. Puis revenir pondre et assurer la relève de la colonie

 

 

 

La vie de la reine : un destin unique au service de la colonie

 

Dès sa naissance, la reine bénéficie d’un traitement royal. Toute sa vie, elle sera entourée d’une "cour" d’abeilles – des ouvrières dévouées qui s’occupent d’elle en permanence :

  • Elles la nourrissent (principalement avec de la gelée royale)
  • Assurent sa toilette
  • Et veillent à sa sécurité, la suivant dans tous ses déplacements à l’intérieur de la ruche

Le vol nuptial : un moment décisif

Après environ une semaine, une fois ses muscles et ses ailes bien formés, la jeune reine s’envole pour réaliser son vol nuptial, moment crucial pour la survie de la colonie.

Ce vol se déroule entre 15 et 30 mètres d’altitude. C’est une stratégie naturelle : seuls les mâles les plus vigoureux et rapides peuvent la rejoindre. Ce processus garantit une sélection génétique rigoureuse.

Pendant ce vol :

  • La reine est fécondée par plusieurs mâles (souvent entre 10 et 20)
  • À chaque accouplement, le mâle meurt, laissant ses organes reproducteurs attachés à la reine
  • Les ouvrières l’accompagnant retirent ces organes entre chaque accouplement pour permettre à la fécondation suivante d’avoir lieu

Une fois revenue à la ruche, la reine a rempli sa spermathèque, une poche qui stockera les spermatozoïdes pour toute sa vie (jusqu’à 5 ans en moyenne).

La reine : clé de voûte de la colonie

La reine ne sortira plus de la ruche, sauf en cas de nouvel essaimage. Elle se consacrera désormais uniquement à pondre : jusqu’à 2 000 œufs par jour en période de forte activité.

Elle est l’unique reproductrice de la colonie. Si elle meurt brutalement, et qu’il n’y a pas de larves assez jeunes pour élever une nouvelle reine, la colonie est condamnée. C’est pourquoi elle est constamment protégée : non pas en tant qu’individu, mais parce qu’elle est le seul espoir de survie du groupe.

 

 

 

 

La ponte : l'activité principale de la reine

 

De retour dans la ruche après son vol nuptial, la reine ne la quittera plus, sauf en cas d’un nouvel essaimage.
Sa fonction essentielle est désormais la ponte.

Une organisation millimétrée

Les abeilles nettoyeuses préparent les cellules de cire, et la reine y dépose un œuf, un par cellule.
Elle peut pondre jusqu’à 2 000 œufs par jour pendant la haute saison.

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Ouvrières, reines et mâles : comment sont-ils "fabriqués" ?

  • Les ouvrières naissent d’un ovule fécondé (un ovule + un spermatozoïde issu de la spermathèque)
  • Les reines aussi proviennent d’un œuf fécondé, mais leur nourriture (gelée royale) et leur cellule royale déclenchent un développement différent
  • Les mâles (faux-bourdons) naissent d’un ovule non fécondé : ils ont tous les gènes de la reine, aucun du père

Ainsi, les ouvrières sont souvent sœurs ou demi-sœurs, car la reine s’est accouplée avec plusieurs mâles lors de son vol nuptial.

Le développement : œuf → larve → nymphe → abeille

Le développement d’une abeille dépend de son statut (reine, ouvrière, mâle). Mais les premières étapes sont communes :

  1. Œuf : déposé dans la cellule (durée : 3 jours pour tous)
  2. Larve : l’œuf éclot au 4ᵉ jour ; la larve est nourrie par les ouvrières
  3. Nymphe (ou pupe) : une fois la cellule operculée, la larve se transforme en adulte

Voici un tableau récapitulatif des durées :

StatutDurée de nourrissage (avant operculation)Durée de nymphoseDurée totale (œuf → adulte)
Reine 5 jours 7 jours 15 jours
Ouvrière 6 jours 12 jours 21 jours
Mâle (faux-bourdon) 6 jours 14 jours 24 jours

Conclusion

Chaque caste (reine, ouvrière, mâle) suit un développement précis, lié à son rôle au sein de la colonie.
Tout ce processus est orchestré par la ponte de la reine, véritable centre de gravité de la ruche.

 

 

L’été dans la ruche : au rythme des miellées

 

L’été est une période d’activité intense dans la ruche.
Les générations d’abeilles se succèdent rapidement, chacune remplissant sa mission pour profiter au maximum des miellées, ces périodes où les fleurs sont riches en nectar.

L’intervention de l’apiculteur

Dès le début du printemps, pour anticiper l’abondance à venir, l’apiculteur agrandit la ruche :

  • Il ajoute un étage supérieur, appelé hausse, équipé de cadres garnis de cire gaufrée
  • Ces cadres serviront exclusivement au stockage du miel

Mais pour éviter que la reine n’aille pondre dans cette partie destinée au miel, il installe entre le corps de ruche (où se trouve le couvain) et la hausse une grille à reine.

La grille à reine : un rôle clé

Cette grille présente des intervalles suffisamment larges pour laisser passer les abeilles ouvrières, mais trop étroits pour la reine, plus grosse.
Ainsi :

  • La reine reste dans le bas de la ruche pour pondre
  • La hausse reste entièrement consacrée au miel
  • Le miel récolté est exempt de tout résidu de couvain, donc plus pur et plus sain

C’est d’ailleurs l’un des critères exigés pour l’appellation "miel bio" : un miel non contaminé par des traces de ponte ou d’élevage larvaire.

 

 

 

Puis vient l’automne.

L’apiculteur a récupéré le miel contenu dans les hausses,
en prenant soin de laisser, dans le corps de la ruche,
les provisions nécessaires à la colonie pour passer l’hiver.

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Les nuits deviennent plus fraîches.
C’est la dernière occasion pour les butineuses de profiter des quelques fleurs encore présentes,
afin de rentrer un peu de nectar et de pollen.

Mais l’heure n’est plus à l’abondance.
Les mâles, désormais considérés comme des bouches inutiles,
sont impitoyablement chassés des ruches.

 

  

La longue nuit : la ruche en hiver

 

Avec l’arrivée de l’hiver, les jours raccourcissent fortement et le soleil, plus pâle, ne suffit plus à réchauffer les journées.

La colonie d’abeilles se regroupe alors en une boule compacte à l’intérieur de la ruche.
Les abeilles s’entassent autour du couvain (les œufs, larves et nymphes), afin de maintenir une température constante d’environ 20°C.

Pour survivre, elles effectuent une rotation continue : les abeilles du centre chauffent en battant des ailes, tandis que celles à l’extérieur, plus exposées au froid, se replacent au chaud pour se nourrir.

Après les grands froids : le redémarrage

Lorsque les températures extérieures remontent un peu, la colonie élève la température à environ 35°C.
Cette chaleur est indispensable pour favoriser le développement du couvain.

Durant cette période, la ruche est en état de quasi-sommeil :

  • La reine cesse de pondre
  • Les abeilles ne sortent presque plus, restant confinées à l’intérieur

Les abeilles d’hiver : des ouvrières à longue vie

Contrairement aux abeilles butineuses du printemps et de l’été, qui vivent environ 30 jours, les abeilles d’hiver peuvent vivre jusqu’à 4 à 5 mois.

Elles doivent être suffisamment nombreuses et en bonne santé pour résister au froid et surtout pour nourrir les larves lorsque la ponte reprend.
Cette relève est vitale pour assurer le bon démarrage de la saison suivante.

 

Le début de ma vie

 

J’ai commencé mon récit en vous parlant de mon travail de butineuse,
mais avant d’en arriver là, tout a commencé dans l’obscurité d’une cellule de cire.

Je me sens à l’étroit.
Au-dessus de ma tête, une fine pellicule de cire me sépare du monde.
Je la grignote rapidement et passe la tête : autour de moi, c’est l’agitation.
Des ouvrières s’affairent dans tous les sens.

Je ne sais pas encore voler.
Je suis immédiatement affectée à mes premières tâches : le nettoyage.

Je débarrasse les cellules des restes laissés par les jeunes abeilles tout juste écloses.
Parfois, la cellule est endommagée : dans ce cas, ce sont mes aînées, les cirières, qui la réparent.

Chacune a un rôle bien précis, et ces compétences se succèdent au fil de nos âges.
Cela permet de garder la ruche dans un état impeccable,
limitant la prolifération de moisissures ou de bactéries.

Les larves mortes ou les abeilles affaiblies sont évacuées.
Quant à nos besoins naturels, ils ne sont jamais faits dans la ruche :
nous sortons pour cela, lors de ce que l’on appelle des « vols de propreté ».

Les jours passent.
Mes glandes se développent, et je peux désormais produire de la gelée royale.
C’est la première nourriture que je donne aux jeunes larves.
Chez les ouvrières, ce régime ne dure que deux ou trois jours :
il est ensuite remplacé par un mélange de miel et de pollen.

En revanche, la larve destinée à devenir reine sera nourrie exclusivement de gelée royale,
jusqu’à l’operculation de sa cellule.
Et une fois adulte, elle continuera à en consommer toute sa vie.

Vers le dixième jour, mes glandes cirières entrent en fonction.
Je produis de la cire, que j’utilise pour réparer ou construire de nouvelles alvéoles.
Chaque cellule, parfaitement hexagonale, s’emboîte dans le rayon sans gaspiller le moindre espace.

Quelques jours plus tard, me voilà sur la planche d’envol.
Je reçois le nectar rapporté par les butineuses,
le stocke un instant dans mon jabot, puis le transmets à une autre ouvrière.
Ce nectar est ainsi transformé en miel,
stocké dans une alvéole, puis ventilé.

Quand son taux d’humidité descend à environ 17 %,
nous operculons la cellule pour le conserver.

Mon cycle dans la ruche touche à sa fin.
Je suis prête à devenir butineuse.